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Marino Di TEANA sculpteur
Chapelle St Clement 1967 - La Garde Freinet Var

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Projet d’une prochaine remise à neuf de la chapelle St Clément, de style roman, située à la Garde Freinet dans le Var.
Elle a été entièrement repensée et reconstruite par Di Teana en 1967 à la suite d’un concours organisé par Alfred Max,
Maire de la Garde Freinet, et futur créateur du journal “ Connaissance des Arts ”.
 
Puisse ce texte permettre aux visiteurs, que nous espérons innombrables, d'entrer d'emblée dans l'âme de ces vieilles pierres qui ont gardé l'écho de tant de prières et d'invocations montées vers elles pendant des jours, des années, des siècles.

ET D'ABORD, QUI ÉTAIT SAINT-CLÉMENT?

SAINT-CLEMENT fut le troisième successeur de St-Pierre. Il fut donc pape vers 91-100. On sait peu de choses de sa vie car il vécut l'époque troublée des persécutions contre les chrétiens. Il assista le 15 août 64 aux jeux qui furent organisés par Néron dans les parcs impériaux à l'emplacement du Vatican, ou des hommes et des ff-mmes furent torlurés et les torches qui éclairaient les atrocités étaient des êtres vivants enduits de résine. Il en fut très impressionné. On pense qu'il assista (impuissant) à l'incendie de Rome par Néron.

Sous les persécutions de Trajan, il fut exilé sur les bords de la Mer Morte et plus tard mourut : toujours en raison des persécutions contre les chrétiens : on lui attacha une meule au cou et il fut noyé. L'histoire raconte qu'à cet emplacement on vit, le lendemain, une chapelle de marbre élevée sous les eaux.
C'est une figure de proue que la chapelle qui lui fut édifiée ici traduit par son emplacement.

LA CHAPELLE St CLEMENT AU COURS DES SIÈCLES PASSÉS

Elle fut pendant longtemps la seule église. Son origine n'a pu être exactement située dans le temps ; tout semble concourir cependant à la fixer à la fin du moyen-âge car, d'une part, les Sarrazins ayant occupé le territoire jusqu'en 973 il est peu probable qu'ils eussent laissé subsister cette chapelle si elle avait déjà existé à cette époque ; d'autre part, cette chapelle est déjà citée en 1200 : « item castrum quondam sancti Clementis ».

Quoi qu'il en soit, c'est dans cette chapelle que nos aïeux, dont les habitations étaient construites dans la plaine dite de St-Clément, qui s'étend au-dessous du promontoire qui supporte la chapelle, célébraient le culte et imploraient la protection de Dieu. Plus tard, dans le courant des XVème et XVIème siècles, les habitants s'installèrent petit à petit à l'emplacement actuel du village ; une toute petite église y fut construite dédiée à St-Clément. Cependant, le prieur-curé était obligé d'aller prendre possession de son bénéfice, sous peine de nullité, dans la vénérée chapelle de St-Clément. ...mais supplantée par la nouvelle église du village.

Vers le milieu du 18e Siècle le village de la Garde-Freinet avait déjà connu une telle expansion que l'église paroissiale fut jugée « bien peu de chose pour ses 900 communiants » (Girardin 1748). Les fidèles songèrent alors à rebâtir une église plus vaste et à construire dans ce site délicieux de plus confortables demeures pour eux-mêmes. « Ils auraient volontiers, écrit Garcin dans son dictionnaire (1835) abandonné l'emplacement du village actuel, triste et pénible, pour la position gracieuse de St-Clément. Malheureusement, quelques propriétaires dont les intérêts auraient été lésés par la réalisation de ce beau projet, s'y opposèrent fortement et le firent abandonner. »

On se résigna donc à agrandir la petite église dont on fêta I'inauguration en 1789. C'était la naissance de l'édifice actuel.
Le culte pour saint Clément ne s'affaiblit pas pour autant. Bien au contraire, la ferveur et l'entliousiasme populaires ne firent que grandir. Et ce ftit d'une manière explosive que les Gardois célébrèrent chaque année, avec orgueil, leur Saint patron. Ils organisèrent une grande bravade. Dans un nuage de poudre et au milieu d'un peuple en liesse, le buste de St-Clément était porté en procession depuis la chapelle jusqu'à l’église.
Mais peu de temps après ce fut l'époque de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. La chapelle fut confisquée et désaffectée. Laissée à l'abandon, elle servit de refuge aux troupeaux. Elle subit les assauts des intempéries et, après une longue résistance, devint une proie facile de leur oeuvre dévastatrice. Lentement, elle agonisait au milieu de l'indifférence générale. En 1940, le curé de l'époque, M. l'abbé Picard, fit rendre cette chapelle ait Culte. Et, depuis, tous les ans, une messe y était célébrée. Mais, déclare M. l'abbé Espitalier, curé de la Garde-Freinet, nous sentions le rouge nous monter au visage lorsque nous contemplions tristement ce qui devenait peu à peu une ruine.
Allait-on laisser disparaître, sans regret, ce sanctuaire historique ? C'eût été un sacrilège, le lâche reniement d’un riche passé.
L'HEURE DE LA RÉNOVATION A SONNÉ

Maire de la Garde-Freinet, M. Alfred Max, prit la tête d'un mouvement en faveur de la résurrection de la chapelle, actualisant ainsi ce qui était le désir intime de toute une population un peu effrayée par l'ampleur de la tâche à réaliser, à l'exception toutefois de son pasteur, M. l'abbé Espitalier, qu'aucune difficulté ne rebute.

C'est en 1962 que le Conseil municipal, non seulement vota les crédits nécessaires pour la réfection de la toiture de la chapelle St-Clément et du gros œuvre, mais encore donna son accord pour que soient recherchées à l'extérieur les mises de financement nécessaires à la remise en état complète de la chapelle.
Mr. Alfred MAX conçut un projet très sobre de restauration qui respecterait la pureté primitive de la construction. La tâche s'avérait délicate : comment rendre à cette chapelle en ruine, sa structure et son architecture romanes avec une décoration de conception et de matériaux nouveaux, et sans altérer l'atmosphère de Mysticisme qui se dégage des murs.
Il fit venir de Paris un sculpteur de talent, promis au plus brillant avenir, M. Marino di Teana, pour étudier sur place I'œuvre à accomplir.

UN GRAND ARTISTE EST CHARGÉ DE LA DÉCORATION

Marino DiTEANA éxécuta rapidement et bien, la maquette de la future chapelle qui reçut I’agréément du Ministre d'Etat chargé (les Affaires Culturelles et des Beaux-Arts, ainsi que des hautes autorités ecclésiastiques représentées en l'occurrence par M. le Chanoine Forno, conseiller artistique de l'Evêché, délégué de la Commission de I’art sacré.
Cette maquette, qui avait été reproduite et commentée dans « Connaissance des Arts ». fut exposée à Paris en juin 1963, à la Galerie Denise RENÉ, et soumise à la critique parisienne : elle souleva le plus grand intérêt chez les visiteurs qui défilèrent nombreux pendant plusieurs heures. L'hebdomadaire « Arts »rendit compte de cette exposition dans son numéro du 26 juin et estima «que di Teana avait compris à quoi il avait affaire ; ledépouillement de ses moyens est d'une austère grandeur ; la structure est non seulement respectée mais cernée et, par là même plus écrite, plus soutenue par un réseau très pur de lignes autour del a croix centrale devant laquelle se dresse I’autel, une simple table massive et drue. Point de figuration, mais une suggestion et des allusions aux témoins de la crucifiction, aussi discrètes d’ailleurs que dans les évangiles.

Cette succession de signes lumineux rythme les parois de la chapelle dont c’est la seule décoration. Rien ne doit gêner l’élan mystique, assure Marino Di Teana, je veux un dépouillement si total que Dieu soit présent ».

L’ASPECT DE LA NOUVELLE CHAPELLE

A l'intérieur, il est pleinement conforme aux conceptions actuelles de l’église qui revient à la simplicité des premiers temps du Christianisme : dans le fond du chœur, une grande croix en verre montant jusqu'au sommet s'inscrit dans le triangle symbolique de la Trinité. A l'ancienne place de l'autel, une chaise en pierre et le lutrin supportant le livre des Evangiles pour la première partie de la messe, la liturgie de la parole. Pour la deuxième partie, la liturgie eucharistique, le prêtre se rend dans le centre de l'Eglise officier sur une table de pierre nue, entourée de bancs de pierre destinés aux fidèles.
Sur les côtés latéraux et la façade, percées dans l'épaisseur des murs, les quatorze stations du chemin de croix sont suggérées uniquement par des croix de verre dont la disposition indique le cheminement du Christ sur le Golgotha : tombant, s'arrêtant, se relevant, marchant inexorablement jusqu'au moment où, immobile et verticale, la croix annonce la fin du supplice.
Corrélativement, les différentes couleurs du verre révèlent l'intensité de l'émotion et du drame dans les scènes de la passion.
C'est par ces croix en dalle de verre faisant office de vitraux qu’est assuré l'éclairage de l'église : le soleil répand à l'intérieur des nappes de clarté différemment colorées rendant l'air palpable et visible.
Pour l'extérieur, pas de changement important : seuls les murs latéraux laissent apparaître les percées où sont incrustées les croix de verre de couleur. Sous le porche, la porte d'entrée est constituée par une grande dalle de verre protégée par une grille en fer forgé très aéré. Tout autour du porche le même banc de pierre.
IL NE MANQUAIT PLUS QUE LES FONDS

A l'occasion de l'exposition de la maquette à Paris, M. le Maire ouvrit une souscription auprès des amateurs d'art qui donna des résultats très importants. Le Ministère d'Etat chargé des Affaires Culturelles et des Beaux-Arts, très intéressé par le projet de di Teana, accorda une subvention, M. le Curé, de son côté, adressa un appel émouvant à toute la population pour qu'elle apporte son concours financier à cette œuvre de restauration grâce à laquelle St-Clément sera un centre de vie spirituelle intense et de renouveau liturgique, deviendra un pôle d'attraction touristique important et constituera la source d'un dynamisme nouveau pour la Garde-Freinet.

ST CLEMENT A REPRIS SA PLACE

Ceci se passait en 1963. La maquette approuvée par les autorités intéressées et les premiers fonds recueillis, M. di Teana commença aussitôt les sculptures

et les travaux furent confiés à M. Pesce, entrepreneur maçon à la Mourre, sous la direction de M. Lenionier, architecte de la ville. Après les aléas et les vicissitudes que connaissent toutes les entreprises de ce genre, I'œuvre fut enfin achevée en 1967 et la statue de St-Clément en mesure de reprendre sa place pour accueillir encore des générations et des générations d'humains.

COMMENT IL FAUT INTERPRÉTER L'ŒUVRE DE DI TEANA

Le très modeste, mais déjà célèbre sculpteur di Teana explique la pensée directrice de son oeuvre.
En rentrant sous le porche, apres avoir gravi les marches qui y accèdent, à droite ou à gauche, on voit en face de soi, au fond de la chapelle, se dresser une immense croix de verre bleu nuit . (le bleu, couleur du ciel, symbolise pour le sculpteur la divinité) mais avant de franchir la porte du sanctuaire, on doit contourner un bénitier creusé dans une pierre triangulaire placé à une hauteur telle qu'on doit se pencher pour y tremper ses doigts, ce qui oblige à une prosternation devant le grand symbole qui se dresse au fond de la chapelle.
On franchit maintenant la porte constituée par une épaisse dalle de verre de couleur légèrement fumée et protégée par une grille en fer forgé d'une grande beauté qui a été exécutée par Georges Bernard, ferronnier à la Garde-Freinet, d'après le dessin de di Teana.
Au-dessus de la porte, le grand triangle symbolisant la Trinité, le père, le fils et le Saint-Esprit, et que l'on retrouvera partout où di Teana a voulu rappeler la présence agissante de Dieu.
Le périple du Chemin de croix commence à gauche de la porte d'entrée, se poursuit au long des deux murs latéraux et se termine par la 14ème station à droite de l'entrée.

1ère station : le Christ est en face de ses Juges ; la lumière bleue pâle indique son calme devant sa condamnation à mort. Le triangle bleu foncé est le signe de la présence de Dieu le père qui soutient son fils.
2e station : Jésus se met en marche, chargé de sa croix. La lumière passe au fumé ; l'atmosphère a changé, le Christ chemine tristement à la pensée que son sacrifice sera vain pour une partie de l'humanité, il n’est plus soutenu par la présence divine de la lumière bleue ;
3e station. : la croix en biais signifie la première chute du Christ ; la lumière devient rouge ; c’est l'annonce du début du drame, du sacrifice de l'homme qui va offrir son sang pour l'humanité ;
4e station : la croix est relevée, jésus continue sa marche ; la lumière revient au jaune . Jésus a rencontré sa très Sainte Mère ; la confiance revient dans son cœur ;
5e station : un homme, Simon le Cyrénéen, aide Jésus à porter sa croix ; il se sent moins seul ; la séréinité continue à être symbolisée par la couleur jaune ;
6e station : le Christ est fatigué une pieuse femme, Véronique, s'avance vers lui pour essuyer son visage baigné de sueur, la couleur rouge signifie la fatigue du Christ qui est la fatigue de I’homme, mais la lumière bleue brille de nouveau pour rappeler la divinité de cet homme.
7e station : Jésus tombe pour la seconde fois. L’espoir est reparti . la continuation du drame est indiquée par la lumière Jaune orangée.
A ce moment, ou se trouve devant la paroi du fond de la chapelle au milieu de laquelle s'élève I’immense croix bleue. De chaque côté de cette croix à hauteur d'homme, se trouve une niche carrée de couleur rougeoyante pour rappeler la lumière qui doit briller perpétuellement devant le Tabernacle.
Continuant par le mur latéral de droite, on trouve la
8e station : le Christ poursuit sa marche . il console les filles d'Israël qui le suivent ; le verre jaune est le signe de sa sérénité revenue ;
9e station : il tombe pour la troisième fois ; le jaune devient orange ; mi désespoir humain l'accable ;
10e station : la Croix renversée signifie que le Christ est allongé ; c'est le moment où on le dépouille de ses vêtements ; la lumière devient rouge le moment du plus grand drame approche ;
11e station : On cloue le Christ sur la Croix la lumière rouge annonce l'intensité du drame.
12e station : Jésus meurt sur la croix, redevenue verticale. Le rouge très foncé signifie que le Christ vient de verser son sang pour l'humanité.
13e station : le drame est terminé ; Jésus est déposé de la Croix et remis à sa mère ; la lumière est devenue d'un bleu serein ; seul Dieu est là ;
14e station : c'est la mise au tombeau, le moment le plus pur; la lumière est d'un bleu céleste, le triangle bleu de Dieu est toujours là.

Voilà comment le sculpteur di Teana a voulu représenter la Passion, la dégager de tous les détails concrétement sordides qui accompagnent inévitablement tous les drames et la montrer sous un aspect absolument purifié et abstrait.
Aux personnes qui jugent peu compatibles avec une architecture romane les percées qui ont été pratiquées dans les murs, di Teana fait observer que ces mêmes ouvertures existaient à l'époque, sous le nom de « meurtrières » aussi bien dans les couvents et les abbayes, ouvrages militaires fortifiés, que dans celles des iiiiirailles épaisses d'où elles permettaient de surveiller les environs, et l'arrivée possible d'assaillants.
Du reste, les murs de la chapelle portent la trace d'ouvertures qui y existaient précédement sous une autre forme.
Une dalle de pierre de Fontvieille au milieu de la chapelle fait fonction d'autel. Elle est supportée par quatre piliers de la même pierre qui personnifient les quatre évangélistes - Saint jean, Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Luc.
Un banc de pierre avec des carreaux rouges tout autour de la chapelle servira de siège aux fidèles. Ce même, banc existe dans le porche à l'entrée.

à suivre
Plan de la grille d'entrée en fer forgée, conçue et déssinée
"comme on aurait pu le faire à l'époque"